Démarche
“On ne t’a pas appris à descendre de l’arbre” . Voici ce que m’a dit un jour un marabout à Bamako. Pour préciser sa pensée il a poursuivi “c ’est comme si l’on t’avait placé tout en haut d’un très grand arbre, puis que l’on t’avait laissé seule pour en descendre ”. Ses propos ont tout de suite résonné dans la dryade que j’étais.
A ce moment-là, en réponse à une injonction “Retourne dans ton pays” lancée quelques années auparavant dans la cour d’une école primaire, j’étais partie à la quête de mon identité dans le pays d’origine de mon père, le Mali. Etant métisse, je ne savais plus quelle était ma place, mon héritage, mes valeurs culturelles, moi qui étais née et qui avais grandi en France. J’étais véritablement perdue entre les discours des uns et des autres, mes propres aspirations et mon éducation. J’ai toujours eu le sentiment d’avoir été placée dans ce monde, aussi beau soit-il, puis laissée à l’abandon.
C’est donc imprégnée de ce sentiment, que j’ai poursuivi ma quête d’identité avec un seul objectif : atteindre les racines. Pour avancer parmi les branches, j’ai cherché seule des solutions pour évoluer et avancer en apprenant encore et encore, et c’est finalement le langage des Arts qui m’a permis d’atteindre le sol.
A l’école supérieure d’Arts et Médias de Caen, mes réflexions m’ont amenée à établir un rapport sensible au territoire que je nomme “territoire sensible”. Il s’agit de s’intéresser à l’expérience sensible du réel qui permet de définir un individu en relation avec la notion de territoire, sous ses différentes dimensions (physique, symbolique, sociale, culturelle…).
Ainsi un des aspects essentiels de ma pratique plastique repose sur la tentative de représenter ce qui pourrait être mon territoire sensible selon l’endroit où je me trouve dans le monde. A cela est lié le thème de l’ancrage et de l’errance, puisque ce territoire sensible répond au désir de chaque individu de s’enraciner (dans un lieu, une histoire, une culture), mais on ne peut s’empêcher de rêver d’un ailleurs vers lequel il est possible de fuir, un ailleurs peut-être imaginaire mais qui nous permet de supporter notre quotidien ; une errance nécessaire, qui nous permet aussi d’atteindre l’autre.
Mes productions s’inscrivent dans un environnement riche et complexe : un monde « postcolonial », les relations entre Afrique et Occident et les difficultés à définir son identité qui en résultent. Mon travail plastique se déploie à travers une pratique qui utilise des techniques de l’assemblage et se réfère à des traditions d’horizons divers, au désir de créer un langage particulier et universel, avec la volonté de prendre position, de trouver la position la plus juste, la plus pertinente parmi toutes ces questions.